these violent delights (caden)

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La gifle résonna dans la ruelle sombre située à l’arrière du tribunal. Le démon inférieur se frotta la joue pendant qu’Hasan le fusillait du regard. « Répète » se força à articuler l’hybride entre ses dents serrées, espérant que le plan avait cette fois-ci fini par entrer dans le crane de moineau du démon de pacotille qui lui faisait face. « Je dois aller chercher le reste de mon clan… et faire irruption dans la salle d’audience numéro 4 dans vingt minutes. » Hasan se fendit d’un sourire mesquin. « Tu vois, c’était pas si compliqué. » Face à lui, le démon trépignait, l’air craintif. « Mais… c’est la salle du juge Abernathy. Il nous a donnés l’ordre de ne jamais le déranger… » « C’est moi qui donne les ordres ici. Sauf si tu souhaites contester l’autorité de la Triade ? » Un sorcier de la trempe de Caden Hawthorne n’allait pas risquer sa couverture pour n’importe quel appât. Lui jeter en pâture le juge démoniaque était un sacrifice nécessaire pour son plan long-terme. Hasan se devait d’avoir toujours un coup d’avance. « Non, Stolas… Bien sûr que non. » La vermine disparut dans un froissement d’air sans ajouter un mot de plus. Hasan se redressa, resserra le nœud de sa cravate, et emprunta la porte dérobée qui le ramena à l’intérieur du tribunal.

Sous ses airs d’assistant social bien sous tous rapports, Hasan se glissa dans la salle d’audience du juge Abernathy, qui était occupé à rendre son jugement pour une affaire sans intérêt. La prochaine audience serait dédiée à Santos Vasquez, un adolescent arrêté pour des violences sur son père – lequel le battait allègrement depuis des années. En temps normal, Santos aurait fait une recrue parfaite pour ses affaires démoniaques ; mais Hasan avait plutôt choisi de l’utiliser comme un prétexte pour tirer sur la corde sensible de son avocat préféré. Convaincre Caden de prendre l’affaire avait alors été d’une simplicité enfantine.

Hasan repéra l’avocat et son client qui discutaient discrètement dans un coin de la salle. Il se composa son sourire le plus avenant et les rejoignit. « Messieurs » dit-il en leur serrant la main, ignorant rapidement celle de Santos pour une poigne bien plus longue appuyée d’un regard espiègle à Caden. « Merci encore d’avoir pris l’affaire, je t'en dois une. J’aurais été inquiet pour Santos avec n’importe qui d’autre que toi ! Abernathy a l’air de bonne humeur, non ? » Un mensonge éhonté. Le juge, corrompu et exécrable, était connu pour ses peines disproportionnées. Des sentences qui suffisaient à convaincre ses condamnés de conclure un pacte avec l’enfer plutôt que de perdre plusieurs décennies derrière les barreaux. Mais tout changerait aujourd’hui – sans en avoir le moindre doute, le vieux juge démoniaque prononçait ses dernières condamnations.

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Vingt minutes. Vingt minutes pour parfaire une défense répétée inlassablement durant des jours. Caden est un bon avocat. Un très bon avocat, même. Lorsqu'il prend la défense de tous ces gamins égarés et brisés par des violences diverses, le jeune homme ne lâche rien. Dernier rempart entre eux et une société qui les rejette sans chercher à les comprendre. Un parangon de la justice, qui frappe de ses mots afin d'assurer un avenir meilleur à tous ces jeunes. Vingt minutes, c'est tout ce qui le sépare de l'audience orchestrée par le juge Abernathy. Ce dernier représente tout ce que Caden déteste. Le juge condamne plus qu'il n'écoute. Qu'importe les arguments, il martèle son bureau de son marteau, un sourire doucereux sur les lèvres. Un sourire que l'avocat arrive difficilement à effacer. Depuis qu'il exerce, Caden n'a quasiment gagné aucun procès sous le joug d'Abernathy. Un état de fait qu'il compte bien changer aujourd'hui.

Santos Vasquez l'observe discrètement, le regard partagé entre l'espérance et la résignation. Le gamin n'a pas un mauvais fond et Caden est persuadé qu'il peut s'en sortir. En général, les avocats ne s'impliquent pas émotionnellement lorsqu'ils défendent leurs clients. Mais le sorcier est différent. Son empathie, c'est ce qui fait sa force. C'est elle qui lui permet de gagner ses affaires. Malheureusement, l'empathie ne peut rien contre l'implacable juge Abernathy.   « Je suis là. » La voix de Caden est douce, mais ferme. Il pense ce qu'il dit. Il sera là pour Santos, quoiqu'il arrive. Et l'adolescent le sait. Il pose ses yeux noisettes sur son avocat et l'espoir se glisse au détour d'un sourire fugace. Il se détend immédiatement, rassénéré par la confiance du blond, qui parcourt une énième fois ses notes. Une tâche qu'il abandonne aussitôt lorsqu'une voix familière résonne près d'eux.

Hasan.

Hasan, le preux chevalier à la bienveillance rare qu'il respecte plus qu'aucun autre. Un homme doux dont le cœur vibre pour les autres, tout comme lui. Si le brun a débarqué dans sa vie il n'y a pas si longtemps, Caden se surprend déjà à rougir lorsqu'il pense à lui. Des pensées loin d'être chastes dans lesquelles se bousculent des baisers enflammées et des confessions sur l'oreiller, seul témoin d'une attirance partagée. L'avocat se réfrène comme il le peut, conscient qu'il doit rester professionnel. Pourtant, il ne parvient pas à desserrer sa main de celle de Hasan. Le contact entre leurs doigts est chaud et la peau douce du brun électrise la sienne. Ses yeux se perdent dans ceux de l'assistant social, se noient dans l'immensité de ses prunelles. Il se laisse volontiers sombrer dans cet océan dans lequel il pourrait nager, encore et encore. Mais Santos a besoin d'eux. Le contact se rompt, à son plus grand regret. Il se gifle mentalement afin de reprendre ses esprits. Il pourra voir Hasan dès le lendemain, s'il le désire. Santos, lui, sera peut-être enfermé dans une de ces prisons juvéniles qu'il exècre plus que tout.

« Hasan » se permit-il de l'appeler en lui lançant un petit sourire entendu. Ils se connaissent assez pour ne plus prendre de pincettes. Le prénom du brun roule entre ses lèvres comme un trophée, un trophée qu'il imagine déjà saisir jalousement. L'assistant social est magnifique dans son costume qui sublime les courbes de ses muscles. Nouvelle gifle mentale. Santos. Jugement. Concentration. « Merci à toi de me faire confiance » confesse-t-il doucement. Caden pose sa main sur l'épaule de Hasan afin de l'éloigner de Santos, un prétexte de plus pour sentir son corps contre lui. L'avocat se tourne vers l'autre homme, le regard vrillé dans le sien. « Abernathy ne fera aucun cadeau. J'ai pratiquement perdu tous mes procès face à lui. Il est... » Le mot démoniaque traverse fugacement son esprit tourmenté par sa peur de foirer sa défense. Abernathy est peut-être cruel, mais de là à le comparer aux démons qui polluent San Francisco, il n'y a qu'un pas que Caden décide de ne pas franchir. « Si jamais ça se passe mal, je sais que tu aideras Santos. » Une évidence qui le rassure, qui lui permet de calmer l'angoisse qui vrille tout son être. « L'audience va bientôt commencer. Assis-toi près de moi. » Ce n'est pas une question. Presque une supplication. Caden a besoin de Hasan à ses côtés pour affronter son démon du jour.

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Comme à chaque fois qu’il se trouvait près de Caden, Hasan se glissait avec une facilité déconcertante dans ce personnage taillé sur mesure de l’assistant social dévoué et charmant. Prétendre faire le bien n’était pas si compliqué quand il recevait en échange les sourires de l’avocat, ou que tout prétexte était bon à ce que les deux hommes puissent s’effleurer d’une manière ou d’une autre. Hasan réprima un frisson quand la main de Caden s’attarda sur son épaule. Il appréhendait parfois les tressautements de ses battements de cœur quand le sorcier lui témoignait ce genre d’attention physique, autant de signes qui trahissaient que Caden le laissait bien moins indifférent qu’Hasan aimait le prétendre. Mais le demi-démon avait lu assez de documents sur des espions infiltrés en milieu hostile pour savoir qu’il était normal pour une partie de lui de se prendre au jeu. C’était une méthode instinctive de conservation, un moyen de se rendre plus crédible et donc de survivre. Du moins, c’est ce dont il s’était convaincu. Car l’alternative n’était tout simplement pas acceptable.

Il balaya les mots de Caden d’un sourire amusé. « Ne me remercie pas trop vite. Je ne connais qu’une poignée d’avocats décents dans cette ville. C’était toi ou Maitre Peterson, le vieux croulant qui a un cabinet envahi par les puces à Hunters Point. Non seulement tu es beaucoup plus sympa à regarder, mais en plus je me gratte beaucoup moins après t’avoir vu. » Hasan lui adressa un clin d’œil appuyé, l’air malicieux. L’affaire précédente se termina et il suivit Caden pour aller s’asseoir du côté de la défense. Le juge Abernathy laissa tomber lourdement le dossier de Santos contre son pupitre. « Affaire suivante ! Vasquez contre… Vasquez, le fils. Je vois que… » Sa remarque mourut entre ses lèvres quand il releva les yeux et aperçut Hasan assis à côté de Caden. Hasan lui fit un signe imperceptible de la tête, lui faisant comprendre silencieusement qu’il valait mieux pour lui que personne ne sache qu’ils se connaissaient. L'agent de la Triade pouvait déjà sentir le trouble gagner les pensées du vieux démon, qui s’empressa de fermer au mieux ses synapses dans l’espoir de préserver son esprit de l’emprise d’Hasan. L’hybride esquissa un sourire en coin. Des siècles d’entrainement d’Abernathy n’auraient pas suffi à empêcher Stolas de mettre le juge à genoux en quelques secondes s’il en avait vraiment eu envie.

« La parole est à l’accusation » reprit le juge après s’être râclé la gorge. L’assistant du procureur se leva pour commencer son réquisitoire. Hasan jeta un œil derrière lui – le père de Santos n’avait même pas pris la peine de se déplacer. Il éprouva malgré lui une vague de sympathie pour l’adolescent – lui aussi avait eu son lot d’ennuis avec son géniteur. Alors que les preuves s’accumulaient contre Santos, Hasan se pencha pour murmurer à l’oreille de Caden : « Je ne sais pas si Santos survivrait à l’enfermement. » Une remarque qu’il attendait de pouvoir formuler au pire moment depuis que Caden lui avait avoué ne jamais gagner contre Abernathy, pour troubler encore davantage la confiance de l’avocat. Faisant mine de réaliser que ce n’était pas le moment opportun pour de telles considérations, il ajouta rapidement : « Mais pas de pression, évidemment. » Si ce n’était la vie d’un gamin sans autre défense que celle offerte par Caden.

Alors que l’accusation continuait à présenter l’affaire, l’esprit d’Hasan dériva vers l’arrière de la salle dans laquelle se pressaient des dizaines d’autres personnes qui attendaient leur propre audience. L’un après l’autre, Stolas se glissa dans leur cerveau pour jouer avec leurs nerfs. Entre la manipulation des sens de certains pour leur donner l’impression de perdre brièvement l’ouïe et la vue, ou les violentes migraines qu’il imposait à d’autres, la salle se vida petit à petit en silence. Il ne restait bientôt plus qu’eux trois, le substitut du procureur, le juge et sa greffière. Hasan jeta un œil rapide à sa montre – l’heure était presque venue. Dans quelques instants, ce serait aussi au tour de Caden de se lever pour présenter sa version des faits. Hasan se pencha vers lui, son souffle chaud lui caressant la joue. Il glissa brièvement une main dans le creux de ses reins, électrisé par ce contact intime qui se voulait rassurant. « Hé. Ça va bien se passer. Je crois en toi. »

C’est à cet instant précis qu’il vit une série de miroitements se manifester dans sa vision périphérique. Hasan sentit leurs pensées plus vite qu’il ne vit apparaitre le clan des démons inférieurs – des frémissements frénétiques des neurones qui semblaient hurler MORT AU HAWTHORNE. Et pour la subtilité on repassera. Feignant l’ignorance, Hasan était toujours penché vers Caden quand il entendit le crépitement familier d’une boule d’énergie se former, et il se demanda avec un frisson d’adrénaline s’il s’apprêtait à être suspendu hors du temps pour la première fois de sa vie.

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Le temps s'écoule, inexorable. L'angoisse vrille de plus en plus le corps de Caden, qui se raccroche comme il le peut à Hasan. Emotionnellement, mais aussi physiquement, lorsqu'au détour de leur conversation, sa peau frôle la sienne. Le jeune homme n'a jamais ressenti une telle attirance pour quiconque avant de le rencontrer, suite à une affaire remportée grâce au soutien du brun. Au fil du temps, la compagnie de l'autre homme lui est devenu essentielle. Pourtant, il sait bien qu'il ne peut pas se reposer sur lui pour remporter ses affaires. Ce procès, il doit le gagner à tout prix. « Peterson est un excellent avocat, mais son aisance orale est à la hauteur de son hygiène corporelle, malheureusement. » Le sorcier esquisse un sourire au coin des lèvres, dévorant son interlocuteur du regard. « Je suis ravi d'être ton premier choix, en tout cas. » Flirter dans une salle d'audience n'est pas dans son habitude, mais il ne peut pas s'en empêcher, ensorcelé par les yeux magnifiques du méditerranéen.

L'affaire en cours terminée, les deux hommes s'installent du côté de la défense. Caden lance un sourire qui se veut rassurant à Santos, gardant son calme malgré le stress. Il a répété sa défense toute la nuit, allant jusqu'à faire une nuit blanche, du café en perfusion dans les veines pour tenir le coup. Nulle trace de fatigue sur son visage, sinon les prémices de cernes qui s'éveilleront aussitôt le procès clos. Lorsque le juge écrase le dossier de Santos sur son pupitre, Caden serre discrètement le point. Abernathy ne l'épargnera pas. Il n'y a qu'à voir le début d'un sourire mesquin sur ses lèvres pour s'en rendre compte. L'assistant du procureur commence son réquisitoire, insistant sur le passé trouble de Santos. Un passé que ce dernier à laissé derrière lui pour se concentrer sur sa scolarité. Le gamin n'a pas un mauvais fond. Tout ce qu'il a fait au cours de sa vie, il l'a fait sous l'emprise d'un père qui n'a toujours pensé qu'à ses propres intérêts. D'ailleurs, celui-ci brille par son absence et Caden compte bien le mentionner lors de sa plaidoirie.

Au fur et à mesure que l'assistant du procureur énonce les faits, Santos se ratatine sur son banc, complètement perturbé par cet enchainement de preuves qu'il ne peut pas nier. L'ombre de la prison plane au-dessus de lui, un sentiment partagé par Hasan, qui glisse discrètement à Caden qu'il ne survivrait sans doute pas à l'enfermement. Le sorcier ferme les yeux quelques secondes, ressassant à nouveau sa plaidoirie. Santos ne doit pas aller en prison. Une pensée traverse soudainement son esprit empreint au doute. Et si la magie pouvait l'aider à sauver ce gamin totalement abandonné par la justice ? Caden se ressaisi rapidement, conscient qu'il n'a pas le droit de puiser dans son héritage magique. « Pas de pression, hein » lance-t-il à Hasan, d'un ton un peu trop sarcastique à son gout. Concentré par l'affaire, Caden ne remarque pas le défilé incessant des personnes du public qui quittent peu à peu la salle. Et lorsque le souffle chaud du brun caresse sa joue et que sa main se pose dans le creux de ses reins, c'est le monde entier qui s'efface tout autour d'eux. « Où étais-tu toutes ces années lorsque je doutais de moi ? » murmure-t-il doucement à Hasan, des tremblements dans la voix causés par ce contact physique qu'il attendait depuis leur toute première rencontre.

Pourtant, aucun homme ne peut lui faire oublier le son d'une boule d'énergie démoniaque. Le bruit familier qui crépite soudainement dans la salle l'alerte aussitôt tandis qu'il observe les environs pour en trouver la source. Il remarque alors quelques démons, prêts à en découdre, sans trop savoir comment agir. Caden n'est pas censé utiliser ses pouvoirs devant des innocents, au risque de mettre tout le monde magique en danger. Mais il ne peut pas laisser les démons faire du mal à Santos. Et encore moins à Hasan, à qui il lance un regard désemparé. Sa réflexion intérieure l'empêche d'anticiper l'attaque d'un démon, qui lance une boule d'énergie dans leur direction. Le sorcier lève rapidement les mains pour figer le projectile, sans se soucier d'exhiber ses pouvoirs. Tant pis pour le monde magique. Les Fondateurs n'auront qu'à utiliser leur satanée poudre d'oubli pour régler le problème. Il se lève du banc et se place devant Hasan et Santos, s'interposant entre eux et les démons, qui préparent une nouvelle attaque. Les mains de Caden se lève à nouveau et visent l'un d'eux, qui explose suite à la combustion de ses molécules. « Hasan, tu dois mettre Santos à l'abri ! » hurle-t-il avant de viser une nouvelle boule d'énergie, qui se fige à quelques centimètres du visage de son assistant social préféré. L'affrontement s'annonce difficile. Seul contre tout un clan de démons, Caden n'est pas certain de l'emporter. En réalité, sans ses frères, il n'a aucune chance.

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Sourire au coin des lèvres, Hasan ne laissa rien paraitre de sa culpabilité quand le chaos s’invita brutalement dans la salle d’audience. La musique de ses manigances se mit en marche et il en maitrisait parfaitement la partition. Les boules d’énergie se mirent à fuser en direction de Caden, assez pour forcer le sorcier à faire usage de sa magie en public. Une vague de soulagement traversa même Hasan quand il réalisa qu’il n’était pas figé – trop occupé à arrêter les attaques et les rendre aux démons, Caden n’avait pas eu le temps de se cacher des témoins. Tout se déroulait mieux qu’Hasan n’aurait pu l’espérer.

Sur son estrade, le juge Abernathy lui jeta un regard horrifié. Le vieux démon devinait-il enfin le sort qui l’attendait ? Dissimulant son sourire carnassier à Caden, Hasan observa le juge se lever pour se précipiter vers la sortie. Non, non. Tu n'iras nulle part. L’assaut sur la boite crânienne du démon supérieur fut immédiate et sans retenue, la douleur si intense qu’elle en paralysa tout son système nerveux. Tétanisé, Abernathy les fixait, le regard partagé entre la fureur et la terreur. Trois siècles de bons et loyaux services pour finir par être trahi par l’un des siens – s’il n'y avait pas d'honneur parmi les démons, Hasan en était l’incarnation vivante.

Mais le clou du spectacle était encore à venir. Pour l’heure, Hasan devait reprendre sa petite comédie. Il écarquilla les yeux, se fendit d’un cri faussement surpris. « Merde, Caden… Tu es un sorcier ?! » C’était la première fois qu’il voyait le porteur du Pouvoir des Trois user ses pouvoirs. Il n’ignorait pas la nature des dons de Caden, mais il y avait une différence entre la théorie et le voir en action. Un simple mouvement des mains lui avait suffi à faire exploser un démon qui disparut dans une colonne de feu. Putain ce qu’il était sexy quand il tuait. Hasan en laissa échapper un grondement affamé, pris par surprise par ce kink naissant.

Perturbé par ce désir animal qu’il développait pour le jeune Hawthorne, il ne remarqua qu’à la dernière seconde la boule d’énergie qui fusait vers lui… et qui s’immobilisa in-extremis à quelques centimètres de son visage grâce à Caden. Hasan foudroya du regard le démon qui en était à l’origine, qui ne savait plus où se mettre pour se faire oublier. Putain d’abruti. « Tu… tu m’as sauvé la vie ! » Il profita de cette excuse pour se jeter contre Caden et le serrer contre lui. « Ton secret est sain et sauf avec moi. Débarrassons-nous d’abord de ces saloperies démoniaques et tu m’expliqueras ce qu’ils te veulent après, d’accord ? »

Quittant à regret la chaleur du corps de l’avocat, Hasan obtempéra lorsqu’il lui demanda de mettre Santos à l’abri. Profitant que Caden soit trop occupé pour y prêter attention, il attrapa l’adolescent par les cheveux et le balança sans ménagement sous le bureau en guise de refuge. « Toi, planque-toi là. Pas bouger. » ordonna-t-il d’un ton froid, comme s’il parlait à un chien. Débarrassé du gamin, Hasan était bien décidé à prendre sa revanche sur la démon qui avait si mal visé sur Caden qu’il avait failli le décapiter à la place. Il attrapa à bout de bras la chaise en bois et la lança sur le démon. Il n’avait pas besoin de dévoiler ses pouvoirs pour lui flanquer une correction ; au sommet de sa forme physique, Hasan avait bondi sur lui en quelques enjambées. Il abattit la chaise à plusieurs reprises jusqu’à ce qu’elle se brise, arrachant des petits cris douloureux à la vermine. « Attends, non, j’ai fait tout ce que… » Usant du pied de chaise brisé comme d’un pieu de fortune, Hasan le réduisit à un silence définitif en le poignardant en plein cœur. Le corps du démon s’évanouit alors dans une explosion enflammée.

L’attention d’Hasan se reporta ensuite vers le juge tétanisé. Il pouvait sentir Abernathy lutter contre son influence mais personne ne résistait à Stolas. Lentement mais sûrement, il brisa les dernières barrières mentales du démon supérieur pour mieux enserrer le moindre de ses volontés entre ses griffes. Abernathy poussa alors un long cri guttural, révélant sa forme démoniaque. Hasan lutta pour s’empêcher d’exhiber un sourire triomphant. Marche, pantin.

Une immense boule de feu apparut entre les doigts crochus du démon, qui avançait désormais de façon menaçante vers l’héritier de la lignée Hawthorne. « Caden, fais attention ! » cria Hasan d’un air faussement préoccupé alors qu’il avait envie d’éclater de rire. « La… Triade… » Les lèvres du vieux juge tremblaient alors qu’il luttait en vain contre les mots que Stalos gravait dans son esprit. « … t’envoie ses… salutations ! »

Hasan avait déplacé tous ses pions sur l’échiquier. Le moment était venu de jouer les héros. Saisissant ce qui restait de la chaise brisée, il se jeta sur Abernathy et abattit de toutes ses forces la batte de baseball de fortune sur le crâne du démon dans un craquement sonore. Entrainé dans son élan, il se força à trébucher pour tomber sur Caden et les envoyer rouler un peu plus loin au sol, l’un contre l’autre.